Navire PYTHEAS - Transatlantique 2024 - départ du Port de carnon (34)

São Jorge

Juin 2025

rriver à São Jorge, c’est un peu comme débarquer dans une version XXL d’un jardin suspendu, le tout face au Mont Pico qui domine le ciel depuis l’ile voisine. Ici, tout est vert, tout est escarpé, et tout finit immanquablement au bord de l’océan, dans une piscine naturelle. L’île est réputée pour ses fajãs; ces plateformes de basalte érodées, nées de coulées de lave figées au pied des falaises, et pour son fromage à faire fondre n’importe quel amateur. Mais avant de chausser nos baskets, nous avons d’abord posé nos amarres au port de Velas… et on n’a pas été déçus.

Velas, le retour des gremlins volants et ambiance festive, familiale

Velas est un petit port adorable, abrité comme un nid douillet, où l’on a pu retrouver l’équipage d’Oukiva… sous l’œil vigilant des puffins cendrés. Les enfants ont immédiatement adopté les pontons comme terrain de pêche et de jeu. Un peu trop même : plouf, et un Célian dans l’eau ! Il a glissé sur une plaque de métal (celles qui permettent de numéroter les places). Heureusement, il commence à très bien se débrouiller en natation et il a nagé sans paniquer jusqu’au ponton, le temps pour Lucien de nous prévenir pour qu’on puisse le hisser sur terre, trempé mais courageux. À noter : l’eau du port est d’une transparence hypnotisante, idéale pour repérer poissons… et les lunettes tombées. Car oui, quelques jours plus tard, c’est Paula qui y a laissé ses binocles après un coup de vent mal placé. Ni une ni deux, nouveau plongeon et récupération express. 

Le soir, le village prenait des airs de festival : concerts, processions, et surtout la sardinade offerte par la ville – sardines grillées, pain, pomme de terre épicée, un carré de fromage de São Jorge et sangria. Bonus culturel : la tombola locale, où des pochettes de papiers roulés, accessibles dès 0,50 €, pouvaient rapporter des lots improbables. Pas de chance pour nous, mais Liba et Eric (du voilier Oukiva) sont repartis avec… une couverture. Les chanceux ! C’est aussi là-bas que nous avons enfin pu déguster notre première (et sacrément bonne) bifana, vous savez ces sandwichs portugais populaires à la viande qu’on trouve partout là-bas ?!

Le temple du fromage : União de Cooperativas Agrícolas de Lacticínios de São Jorge

Nous avons aussi organisé pendant notre séjour la visite en groupe, avec l’équipage d’Oukiva, de la célèbre fromagerie locale. Après réservation, nous avons débarqué comme prévu à 15h. Blouse blanche, sur-chaussures et charlotte : nous voilà prêts pour explorer la cathédrale du lait. La coopérative rassemble les producteurs de l’île, transforme leur lait en fromages affinés qui font la renommée mondiale de São Jorge. Après avoir suivi tout le processus, et tenter de jongler entre écoute des expliques et traduction en direct pour les enfants, place à la dégustation : 3 fromages, 3 affinages : 4, 7 et 12 mois. Verdict unanime pour le 7 mois d’âge, parfaitement équilibré. On est reparti avec les frigos pleins !

Les randonnées : falaises, fajãs et drone capricieux

São Jorge, c’est l’île où la terre joue à défier la gravité. Imagine un immense couteau planté dans l’océan, avec des falaises qui tombent à pic dans l’eau turquoise. Et au pied de ces murailles vertigineuses, comme des balcons oubliés, se trouvent les fajãs : de petites langues de terre nées d’éboulements ou de coulées de lave, aujourd’hui cultivées ou habitées. Certaines sont accessibles par la route, mais les plus belles se méritent à la force du mollet.

Notre premier défi fut pour Sofian, l’équipage d’Oukiva et moi, la Route des Volcans – 16 km de sentiers serpentant à travers pâturages, crêtes volcaniques et forêts d’hortensias géants. La végétation change au fil du chemin : un moment, on traverse des zones quasi lunaires avec des pierres noires volcaniques, et l’instant d’après, on se retrouve au milieu d’un tapis vert ponctué de vaches curieuses. Le clou de la journée ? Rejoindre Selim, Paula et les enfants en fin de parcours pour arpenter les villages et se jeter dans notre première piscine naturelle. Eau fraîche pour les plus courageux, rochers polis par les vagues… et la satisfaction d’avoir gagné ce joli spot de baignade à la sueur de nos fronts.

Deux jours plus tard, place à la Route des Fajãs, en famille cette fois (accompagné de Paula et Sofian bien sûr !). Départ de Serro do Topo, où la vue s’ouvre déjà sur l’océan infini. Le sentier plonge ensuite dans une descente spectaculaire et bordé d’Hortensia vers la Caldeira de Santo Cristo, une fajã mythique avec sa lagune protégée et ses maisons blanches bordées de murets de pierre sèche. Pause obligatoire pour admirer le contraste saisissant entre la tranquillité du lieu, le charme des maisonettes et la brutalité des falaises autour. On poursuit jusqu’à Fajã Belo, plus sauvage mais tout aussi charmante, puis à Fajã dos Cubres.
Tout aurait été parfait si… notre drone n’avait pas décidé de piquer une tête sans raison dans l’un des lacs. Repêché comme un marin en détresse, mais bon… fin du voyage pour lui et cap sur le SAV.

Le soir, nous avons retrouvé Oukiva et célébré ces kilomètres avalés lors d’une fête votive. Musique, stands de nourriture, danses : un petit bout de tradition açorienne qui nous a rappelé les fêtes de village de chez nous.

Balade culturelle et café de fajã

Après avoir testé nos jambes, place à la culture en voiture… et au café. Direction l’Igreja da Urzelina, vestige émouvant d’un village frappé par l’éruption de 1808. Il ne reste qu’une partie de l’église et son clocher solitaire, figés dans un écrin de lave solidifiée. Imaginer la coulée incandescente engloutir les maisons donne des frissons, mais la vue depuis le site est splendide. Fait amusant, ce qu’il reste de l’église (la partie avec clocher) est situé dans un jardin privé mais laissé libre d’accès au public.

Ensuite, arrêt à Manadas, célèbre pour son église richement décorée de boiseries dorées et d’azulejos peints à la main. Fermée ce jour-là pour cause de préparatifs de fête, elle n’aura fait que nourrir notre envie d’y revenir. Et nous avons pu admirer les bénévoles installés les mosaïques de fleurs au sol le long du parcours.

Nous avons terminé par une halte délicieusement hors du temps : une petite plantation familiale de café, Café da Fajã. Ici, pas de machines industrielles, mais des plants cultivés sur une fajã au climat doux, protégée des vents par les falaises. On y sent un parfum de grains en train de sécher, on écoute les histoires des propriétaires, et on boit un café qui a le goût de l’océan tout proche. Le temps dans un charmant paysage de petits vergers et champs d’oliviers.

Pour conclure, São Jorge n’a pas les cascades tonitruantes de Flores, mais ses fajãs (et ses villages)… quelle poésie ! Vertigineuses vues d’en haut, havres de paix une fois qu’on y pose le pied. On repart avec l’impression d’avoir découvert des mondes secrets, perchés entre ciel et mer.