Florès
Juin 2025
Arriver à Flores, c’est comme changer brutalement de palette de couleurs : après des semaines dans le bleu turquoise des Antilles, on plonge dans une explosion de vert. Collines, forêts, prairies, falaises, cascades… Les Açores, c’est définitivement ultra-verdoyant et ça saute aux yeux ! Arrivés tardivement, notre première nuit s’est passée au mouillage, juste à côté d’une falaise habitée par des centaines de poussans cendrés. La nuit, ces oiseaux deviennent des gremlins volants : ils décrivent des cercles dans le ciel en criant comme si on leur chatouillait les plumes avec un tournevis. Impossible à décrire… mais pas pour Célian, devenu maître absolu de l’imitation de poussan. À tel point qu’on s’attendait presque à voir débarquer un couple d’oiseaux, trompés par son talent.
Le port de Flores et son bar mythique
Le port de Flores n’est pas tout neuf. En 2019, l’ouragan Lorenzo l’a en partie détruit, et depuis, Jorge le gère avec fermeté et doigté en attendant sa reconstruction. Règle numéro un dans ce « port » temporaire : deux jours maximum à quai pour les voyageurs (pour permettre à tous les nouveaux arrivant de pouvoir souffler un peu après la longue traversée), et souvent à couple : c’est-à-dire voilier contre voilier. Mais avec un étais à revisser, et notre argument béton du “il nous faut zéro vent pour tomber le génois ”, nous avons eu droit à une rallonge de quelques jours. Yeeees !
À quai, l’ambiance est familiale : la majorité des bateaux sont de retour de transatlantique, beaucoup de francophones, et une solidarité qui se respire. On a vite pris nos habitudes :
Le restaurant Cachalot et ses burgers redoutables à prix… presque offert. Mention spéciale pour petit jeune serveur qui franchement était redoutablement efficace et souriant… même quand il a vu débarquer une douzaine de ventres affamés à presque 22h !
Le bar du club nautique de Florès, institution locale et véritable point de rencontre de tous les marins. On y échange récits d’océan, prévisions météo, et bons plans. Et après les Bermudes, quand on paye 3,20 pour deux bières et un verre de vin, le portefeuille est agréablement surpris !
On pourrait presque parler d’une secte joyeuse de navigateurs : une grande famille où les nouveaux sont adoptés immédiatement. Et comme cri de ralliement : on succombe tous plus ou moins aux goodies à l’effigie du club nautique Local. Tee-shirts, sweats et casquettes : on s’est fait plaisir ! L’accueil va même au-delà des quais : un gentil pêcheur est venu nous offrir un poisson rouge (rascasse ou rouget… le mystère restera entier), et, comme toutes les voitures de location étaient déjà prises, un habitant nous a carrément « prêté » la sienne pour deux jours.
On a aussi assisté à la sortie d’une baleinière, ces traditionnelles barques qui étaient utilisées pour chasser la baleine, et aujourd’hui souvent associée à l’observation des cétacés.
Petit bémol au tableau : la laverie du port. Une seule machine. Cycles de près de trois heures. Une file d’attente digne d’un concert de rock… ou alors l’abandon pur et simple de laver son linge.
Le tour de l’île et ses paysages à couper le souffle
Grâce à la voiture, nous avons pu partir explorer l’île pendant deux jours. Flores est surnommée l’île aux cascades, et ce n’est pas pour rien. Chaque virage dévoile un panorama spectaculaire, chaque vallée semble avoir été conçue pour figurer sur une carte postale.
Les cascades de Ferreira ont été notre clou du spectacle : après une balade boisée, on arrive face à un rideau d’eau gigantesque qui déclenche un “wahou” spontané, comme un réflexe collectif.
Selim a immortalisé le tout avec son drone, mais pas sans frayeurs : un vol un peu ambitieux sur la façade nord est de l’ile, une branche mal placée, et voilà l’appareil presque suspendu dans le vide au-dessus d’une vallée. Sauvetage réussi, images de rêve conservées.
Le hasard a voulu que notre séjour coïncide avec les Fêtes-Dieu, une célébration catholique très vivante aux Açores. Les rues décorées de fleurs accueillaient musique, sourires et… soupe gratuite pour tous. Si nous l’avons loupé de peu à chaque fois, cette gentillesse nous laissait de quoi expérimenter, en direct, la gentillesse et la générosité des habitants.
Côté pratique, nous avons aussi profité d’un passage en ville pour refaire quelques courses. Le temps était agréable mais plus frais qu’aux Antilles : l’occasion de ressortir nos affaires d’hiver… et de constater que Célian avait bien grandi de 10 cm. Ses pantalons s’arrêtaient désormais bien au-dessus des chevilles et ses baskets semblaient lui serrer les pieds comme des étaux. Il était temps de nous équiper donc !
On a laissé notre emprunte, c’est la tradition !
Aux Açores, il existe une tradition sacrée : chaque équipage laisse sa trace, comme pour dire « On est arrivés ! ». À Flores comme à Horta, le port est un musée à ciel ouvert : jetées, pontons, murs… tout est recouvert de fresques marines, du petit gribouillis timide à l’œuvre digne d’une galerie. Impossible d’y échapper ! Alors, pour notre première fois, nous avons sorti pinceaux et couleurs et laissé notre empreinte : un fier paille-en-queue, oiseau emblématique de notre aventure. Désormais, il vole aussi sur les murs du port… et il y restera bien plus longtemps que nous !