Navire PYTHEAS - Transatlantique 2024 - départ du Port de carnon (34)

Salt Island

BVI - mai 2025

Dans l’immense terrain de jeu nautique que sont les BVIs, Salt Island se distingue autant par son histoire que son ambiance fantomatique. Une île peu fréquentée, sans habitant depuis le décès du dernier « gardien », avec pour voisins quelques chèvres vagabondes et une épave mythique. Bref, tout ce qu’il faut pour une escale émouvante.

Le RMS Rhone : une épave réputée

Le clou de la visite se trouve sous l’eau, au sud-ouest de l’île : l’épave du RMS Rhone, navire de la Royal Mail Steam Packet Company, coulé en 1867 lors d’un ouragan dantesque, avec ses 123 passagers qui, comme c’était la pratique courante à l’époque, furent attachés dans leurs lits pour éviter qu’ils ne soient blessés par la mer déchaînée.

Cette épave est aujourd’hui un site de plongée mythique, classé parc marin national, et figurant même dans le film « Le Grand Bleu » (oui, les vrais savent).

Grâce au privilège ultime d’avoir son propre voilier, nous avons pu nous y glisser à l’aube des charters, seuls au monde dans une eau cristalline, flottant au-dessus d’un morceau d’histoire. La coque tordue, les hélices géantes, la baignoire intacte du capitaine (oui, oui)… tout y est. Un décor fascinant, émouvant, presque silencieux.

À 10h précises, changement de décor : débarquement de touristes à bouées ventrales, lunettes fluo et palmes plus grandes que les requins-nourrices. Certains semblaient même pouvoir snorkeler tout en tenant leur canette de soda, ce qui force à la fois l’admiration et le questionnement existentiel. Personnellement, je ne comprendrai jamais le concept d’aller voir une épave sans jamais palmer quelques mètres sous l’eau. Mais bon, chacun sa surface.

Promenade sur Salt Island

Salt Island ne se limite pas à son trésor englouti. L’île elle-même mérite qu’on en fasse le tour à pied. On plutôt qu’on monte à son sommet. Quelques vestiges de salins rappellent son ancienne activité économique, aujourd’hui abandonnée, tout comme la dernière maison encore debout, dont le propriétaire est décédé il y a peu. Sa tombe, fleurie (fausses fleurs, balayées un peu partout par le vent), trône avec vue sur mer. Ambiance “île déserte version patrimoine”.

Seules habitantes désormais : les chèvres. Vagabondes, robustes, sauvages. Nous sommes tombés sur les restes d’une défunte, sans doute morte de solitude, d’ennui ou de noyade, piégée entre deux marécages. Les commentaires sur Navily indiquaient qu’elle était là depuis un mois. Ni une ni deux, ce fut l’occasion rêvée de faire une leçon improvisée aux enfants sur les fossiles, les dinosaures et la patience géologique.

De retour au mouillage, baignade obligatoire pour clore l’aventure. Selim saute à l’eau pour une dernière exploration, fringant et insouciant. Mais très vite, nous repérons une ombre élégante glissant sous le bateau. Un barracuda, massif, posté comme un videur d’entrée de boîte de nuit. Lucien et moi avons échangé un regard. Pas de baignade pour nous aujourd’hui, finalement.